02/07/2002
Les révolutions informatiques se préparent souvent dans la coulisse des grands laboratoires. Mais cette fois, une application d’une très grande importance vient de voir le jour et se répand rapidement à l’échelle de la planète, imitant le démarrage de la « toile » mais à une échelle sans commune mesure avec le phénomène Internet : le grid computing ou informatique distribuée, ou encore « grille de calcul ».
Les premières applications ont débuté il y a 10 ans. Des laboratoires ont cherché à connecter leur puissance informatique pour effectuer des calculs complexes et lourds nécessitant de gros traitements. La grande presse s’est fait l’écho de programmes tels que le projet Seti, pour la mise en parallèle de micro-ordinateurs sur Internet pour la recherche d’intelligences extraterrestres, ou encore la recherche en génomique dans le cadre du projet Téléthon. Mais les principaux problèmes résidaient dans les logiciels permettant de trouver les ressources disponibles en fonction des problèmes posés, de répartir la puissance demandée, d’assurer les files d’attente des utilisateurs et surtout la sécurité des usages. Ces problèmes sont en grande partie réglés depuis peu grâce au logiciel Globus toolkit, un standard mondial ouvert, analogue à Linux pour les logiciels libres. Les tâches sont découpées en petits morceaux pouvant être traités indépendamment et ensuite réorganisés. A quoi sert le grid computing ? a traiter des problèmes informatiques avec une puissance et un coût inégalés en partageant les ordinateurs et les équipements grâce au réseau Internet à haut débit. En Europe comme aux États-Unis, cette informatique distribuée connaît un succès croissant dans les secteurs des sciences du vivant (pharmacie et bioinformatique), où la découverte de nouveaux médicaments dépend de l’efficacité à collecter et à analyser de très gros volumes de données génomiques et protéomiques. Ainsi la société Monsanto peut effectuer des analyses génétiques en un seul jour au lieu de 6 semaines et sans avoir à utiliser des ordinateurs coûtant des dizaines de millions de dollars. La concurrence est sévère avec Aventis, Smith Kline et Glaxo qui utilisent aussi l’informatique distribuée pour la recherche sur le cancer ou le sida. Des entreprises spécialisées dans les jeux online comme Butterfly.net traitent des dizaines de milliers de joueurs en même temps. Des constructeurs automobiles comme GM et Ford utilisent le grid computing pour analyser des crashs en temps réel. Des petites entreprises payent 25.000 dollars pour des logiciels et des services assurant une puissance de calcul jadis obtenue par un super ordinateur coûtant 30 millions de dollars. L’informatique devient ainsi analogue à un « service public » de distribution payable par abonnement, comme l’eau, le gaz ou l’électricité. Avec les grilles de calcul, la puissance de traitement des ressources informatiques, la mémoire, le stockage et la bande passante du réseau peuvent être chaque fois dirigés là où c'est nécessaire. Tous les gros constructeurs ont développé des programmes de grid computing, : Compacq, Cray, Silicon Graphics, Fujitsu, Hitachi, Nec. IBM, en accord avec Globus se propose de fournir des applications grille sur ses prochaines machines et construit de vastes réseaux. Sun Microsystems, un pionnier de ce domaine, offre en ligne gratuitement des logiciels d’informatique distribuée. Des projets s’organisent à l’échelle mondiale : le European Data Grid, Unicore, Grid Physics Network. Mais le plus impressionnant est TeraGrid lancé cette année par la NSF (National Science Foundation US) et qui réunira 4 sites universitaires, créant un « méta-ordinateur virtuel » travaillant à 13,6 teraflops par seconde, soit 8 fois plus rapidement que le plus puissant ordinateur connu. Dans un proche avenir, le grid computing va se marier tout naturellement avec les Web services et le peer to peer (échange d’information en réseau, de particuliers à particuliers), donnant aux entreprise et aux internautes une puissance informatique qui va transformer le Web en un macro-ordinateur parallèle. Sans oublier les microgrilles, (micronodes) interconnectant des millions de smart-tags, (voir SwissUp), biocapteurs, PDA et objets intelligents, en un système nerveux global. Les hommes sont en train de construire l’infrastructure informatique du 21siècle : un véritable cerveau planétaire.