Biologie - Mai 1990
Un des plus grands mystères de la vie est la transformation d'un oeuf humain fécondé en un organisme entier.
Comment une seule cellule contenant tous les plans nécessaires peut-elle donner des formes aussi diverses que des nerfs, des os, un coeur, des mains, des yeux ou des cheveux ? Depuis peu les chercheurs commencent à élucider ce mystère et leurs découvertes conduisent déjà à des traitements contre certains formes de cancer. Une molécule joue un rôle de chef d'orchestre dans la cascade d'événements qui assure la division, et la différentiation des cellules et le développement d'un embryon. Cette molécule n'est autre qu'un dérivé de la vitamine A, l'acide rétinoique. On sait qu'il influence la croissance de cellules de la peau, d'où son utilisation dans le traitement de l'acné ou la réduction des rides par la déjà célèbre pommade Retin-A. Il permet surtout à une masse de cellules embryonnaires indifférenciées de se transformer harmonieusement pour donner une main ou un pied. Grâce aux travaux de l'équipe du Pr Pierre Chambon à Strasbourg on sait aussi que l'acide rétinoique intervient même dans le noyau cellulaire au niveau de l'ADN ou il ouvre ou ferme des interrupteurs chimiques qui contrôlent la différentiation et la croissance des cellules. Plus récemment Pierre Tiollais à L'institut Pasteur a fait ressortir les effets combinés de déficits en vitamine A et du virus de l'hépatite B sur le cancer du foie. Mais le plus spectaculaire date de quelques semaines. Le Pr Laurent Degos de l'Hôpital St Louis à une l'idée de remettre des cellules cancéreuses dans le droit chemin grâce à l'acide rétinoique plutôt que de les tuer. Pour cela il a modifié l'équilibre entre prolifération et spécialisation en apprenant aux cellules à se différencier. Résultat, sur 22 patients atteints d'une forme rare de leucémie, 17 rémissions complètes. La vitamine A n'a pas fini de nous étonner.