Depuis le début du xxe siècle, on sait, grâce aux travaux des scientifiques, que la matière évolue du plus simple au plus complexe, et que de cette complexité émergent des propriétés nouvelles. L’aspect passionnant de ce processus dynamique et évolutif est le fait que la nature parvienne à faire apparaître des propriétés nouvelles à chaque seuil de développement tout en restant économe de ses moyens. Comme une sorte de magicienne, elle reproduit les mêmes « tours » – les mêmes « trucs », pourrait-on dire – à chaque étape, obtenant des résultats nouveaux et de plus en plus diversifiés.
Cette économie de moyens permet à des structures, mais aussi à des fonctions, d’atteindre différents niveaux de complexité, en particulier lors du passage de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Les cristaux, les organisations de microbes, les coquillages, la forme des galaxies et les structures de l’univers présentent ainsi des similarités étonnantes, illustrant ce que j’appelle l’« unité de la nature ». Pour les croyants, point de mystère dans tout cela : la volonté du Créateur en est la cause. Pour les scientifiques, en revanche, quelles que soient leurs croyances, il est fondamental de comprendre le pourquoi et le comment de ces « mystères » de la nature.
L’unité de la nature est donc fondée sur des codes cachés, qui apparaissent si l’on compare des structures et des fonctions provenant de différents domaines de l’univers – physiques, chimiques, biologiques, écologiques, économiques. Parmi ces codes figure le code génétique, dont les mutations permettent l’évolution des espèces. Les nombres et lois de Pythagore, la suite de Fibonacci ou le nombre d’or sont autant d’autres codes cachés dont les scientifiques s’efforcent de percer les signes et les mystères.
Mon objectif n’est pas d’expliquer les causes de ces codes. Je cherche surtout à dévoiler la façon dont le codage naturel, ou celui des hommes, conduit à des formes aussi étonnantes et énigmatiques. Il apparaît en effet que la progression de l’unité de la nature par une évolution antérieure à l’homme et qui se poursuit avec lui se traduit par des structures souvent inexplicables, mais présentant une convergence entre elles.
Comment des codes permettent-ils de susciter dans le cerveau des hommes des émotions positives ou négatives susceptibles d’être partagées, que l’on parle de musique ou de peinture, ou même de règlements contraignants ?
La définition du mot « code », mot clé de ce livre, est : textes de loi et règles permettant la régulation d’activités et de fonctions, qu’il s’agisse d’humains, de machines ou d’ordinateurs. On parle ainsi des codes civil, pénal, du travail, des impôts ou de la route. Le même mot est utilisé pour certaines inventions techniques : le code-barres, les codes PIN ou PUK de nos smartphones, le code BIC pour les échanges interbancaires, ou encore le code postal pour la distribution du courrier. Ces codes jouent un rôle important dans le fonctionnement de la vie en société, avec des objectifs identiques de régulation et de contrôle.
Comment l’homme, en fabriquant de nouveaux codes, questionne-t-il le sens de sa vie pour programmer et contrôler les actions humaines et les fonctions des machines – en éliminant le travail, par exemple, ou en favorisant l’émergence d’une intelligence augmentée, fondement d’une nouvelle humanité ? Se pensant parfois homme-dieu, il entre en concurrence avec la nature, jusqu’alors seule détentrice des secrets de la diversité et de la variété des formes de l’univers.
L’unité de la nature évoque depuis longtemps une puissance organisatrice chez des philosophes ou scientifiques croyants ou non, comme Spinoza, Hegel, Einstein, ou, plus près de nous, chez Hubert Reeves ou Yves Coppens, avec lesquels j’ai eu le plaisir et l’honneur de collaborer à un livre commun : La Plus Belle Histoire du monde. Ce sont leurs approches philosophiques de l’unité du tout qui m’ont conduit à m’interroger sur une telle puissance organisatrice dans l’évolution de la matière vers une complexité croissante. Des questions résultant aussi de mes recherches pour ce livre et qui apparaissent en filigrane dans mes précédents ouvrages, en particulier Le Macroscope, L’Homme symbiotique et Surfer la vie. Cette quête est à l’origine de mon émerveillement. La beauté et l’unité de la nature, souvent invisibles aux non-scientifiques, et la révélation d’un sens caché des choses sont susceptibles de rendre cohérente l’image que je me fais de l’univers. C’est cette vision et cette image que j’ai choisi de vous faire partager.
Même si je cherche encore à comprendre…