Articles sur le livre "Surfer la vie"

Une "conscience réfléchie" pour le cerveau planétaire ?

Une « conscience réfléchie » pour le cerveau planétaire ?
Chapitre 4, p.146

Le symbionet, lorsqu’il sera en fonctionnement sur toute la planète, va engendrer une remise en question de notre organisation sociale actuelle. On observe déjà une lutte entre les systèmes pyramidaux, industriels et politiques, et les réseaux transversaux qui réunissent et rapprochent les gens sur des sujets d’avenir. Qu’en sera-t-il lorsque nos corps seront en communication directe, en temps réel, non seulement avec l’organisme planétaire que nous construisons, mais entre eux, comme dans un réseau neuronal sur la base des mesh networks ? Le Web symbiotique prendra alors certainement de plus en plus d’importance dans les décisions qui engagent l’humanité. Un système qui se regarde lui-même de l’extérieur, grâce à des satellites et à des capteurs, pourra par exemple réguler en temps réel l’environnement dans lequel nous vivons. Grâce aux « sens » dont la Terre est en train de se doter, il sera possible de gérer en temps réel, et dans l’intérêt de tous, certains cycles comme ceux régissant la survenue des tornades ou des tsunamis.

Tout cela ne sera possible, évidemment, que si l’homme parvient à établir une symbiose positive et constructive avec le macro-organisme qu’il est en train de créer. L’avenir du cerveau planétaire va surtout dépendre de ce que nous en ferons. Il se comporte déjà de façon semi-autonome en favorisant l’émergence progressive d’une conscience collective, voire d’une co-conscience collective réfléchie. En clair : le système deviendra peut-être un jour capable de se penser lui-même. L’avènement du Web symbiotique sera plus invasif que tout ce que nous avons connu jusqu’à présent. Les problèmes d’atteinte à la liberté et à la vie privée, les risques de flicage et de traçabilité par la géolocalisation et l’analyse des transactions vont être démultipliés. De surcroît, des puces informatiques pourront être implantées dans le corps et interagir directement avec notre environnement. Déjà, des expériences de cette nature sont menées dans plusieurs laboratoires du monde à partir des Brain Activated Technologies, déjà évoquées. Grâce à ces technologies de transfert direct d’information du cerveau vers les machines, on peut contrôler le cerveau de rats ou d’autres animaux pour leur faire parcourir des chemins prédéterminés dans des labyrinthes ou exécuter des actions inconnues de leur espèce. Le « robot rat » est un exemple concluant de contrôle à distance du cerveau d’un animal par des machines. Bien entendu, dans le symbionet, l’information doit, en principe, aller du cerveau et du corps vers l’environnement numérique des machines et des réseaux, mais rien n’empêche qu’elle transite, en sens inverse, du monde numérique au monde biologique, influençant ainsi le comportement, voire la pensée, des personnes qui sont les cibles de ces transmissions.

On comprend bien l’immense avantage du Web symbiotique dans le cadre d’une société fluide reliant des individus à travers des réseaux de plus en plus denses. Ces réseaux leur permettent à la fois de communiquer et d’agir sur leur environnement devenu sensoriel, c’est-à-dire capable lui-même de se réguler, de s’adapter, de se contrôler, de s’informer, en fonction des variabilités extrêmes qu’il est amené à connaître. Cela représente évidemment l’aspect positif de cette évolution. Le revers de la médaille est plus inquiétant. L’extraction possible d’informations sur toutes les actions individuelles, leur localisation, leur objectif et leur résultat fait entrevoir le risque d’une société qui ne serait plus « fluide », mais fondée sur des rapports contraints et rigides, contrôlés par quelques-uns. En même temps, le Web symbiotique ouvre la voie à une manière de surfer la vie sans contrainte physique, sans contact réel avec son environnement et en temps réel. Une sorte de dédoublement de la personnalité, de délocalisation du corps, de téléprésence, assurant une grande légèreté par rapport au monde matériel et catalysant la possibilité d’une convergence des esprits, comme le pressentait Teilhard de Chardin dans la noosphère. Fiction ou réalité, l’avenir le dira…