Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a demandé, sur un ton accusateur, pourquoi je m’étais spécialisé sur le P2P. Pourquoi je m’étais fait le journaliste du diable, à défaut d’en avoir été l’avocat, comme l’auraient justifié mes études. Le Peer-to-Peer, l’objet de tous les débats, l’arbre qui cache la forêt d’un modèle économique et social totalement dépassé… Le P2P ne se réduit pourtant pas à un outil de pirates. Il n’est qu’un élément dans une vaste dynamique de déconcentration de la communication, de la transmission du savoir et de la culture.
Si je me suis passionné pour Napster et ses successeurs, c’est parce que tout d’un coup, le rêve d’une bibliothèque d’Alexandrie devenait réalité. Ensemble, des millions d’hommes, à travers toute la planète, peuvent mettre en commun toutes les œuvres qu’ils possèdent, et tous peuvent y avoir accès en tout temps, et en tout lieu. C’est unique et grandiose dans l’histoire de l’Humanité. Et finalement ce pauvre P2P n’est que le bouc émissaire facilement accusable (puisque illégal dans nombre de ses usages) de tout un ensemble de nouveaux modes de communication qui contribuent ainsi à briser les barrières physiques et à annihiler le monopole des vieux médias, des vieux promoteurs, et des vieux distributeurs.
Dans ma jeune carrière de journaliste en ligne, j’ai écrit près de 2 000 articles. Quel journal ou magazine papier aurait publié toutes ces lignes ? Certains artistes veulent à tout prix être recrutés par les majors du disque, parce qu’ils pensent que c’est le seul moyen de faire entendre leur musique, parce qu’ils se disent « comme ça, je passerai à la radio ». Mais les journaux, radios et télévisions de demain, qui feront connaître les artistes, c’est nous. Les mass médias et la culture de masse sont appelés à disparaître, au profit de la multiplication des niches et de la diversification des savoirs. C’est là, je crois, qu’est la véritable révolution sociale d’Internet.
Par Guillaume Champeau (Ratiatum)