Biologie - Octobre 1988
Le sommeil est une phase mystérieuse à laquelle nous consacrons un tiers de notre vie.
Des découvertes récentes montrent une relation surprenante entre le sommeil, les défenses immunitaires et la fièvre.
Les pionniers en ce domaine ont été deux chercheurs francais, Henri Piéron et René Legendre. En 1907 ils isolent du liquide céphalorachidien de chiens privés de sommeil pendant 15 jours, une substance qu'ils appellent "hypnotoxine". Injectée à d'autres chiens elle provoque immédiatement un sommeil profond.
Il faut attendre 80 longues années pour que John Pappenheimer et son équipe de la Harvard Medical School isolent et identifient (à partir de 3000 litres d'urine de chèvres privées de sommeil) la première "molécule du sommeil". Ils l'appellent le "Facteur S".
Les effets du "Facteur S" sont si puissants qu'à partir d'un extrait de seulement sept millionièmes de grammes, 500 doses actives sont obtenues : chaque dose injectée à des lapins de laboratoire prolonge leur sommeil de 6 heures.
Surprise : l'analyse révèle que le "facteur S" est apparenté à une autre molécule étudiée comme stimulant de l'immunité à l'Institut Pasteur de Paris et au CNRS par les équipes de Louis Chedid et d'Edgar Lederer.
Cette molécule, le MDP, peut provoquer une forte fièvre ainsi qu'un état de somnolence. On sait maintenant qu'elle induit la synthèse d'interleukine un régulateur de l'immunité et peut-être du sommeil.
Comme le pensaient nos grands-mères, est-ce qu'un sommeil réparateur et une forte fièvre peuvent aider l'organisme à se débarrasser d'une grippe ?
Voilà en tout cas du travail pour les laboratoires pharmaceutiques à la recherche de somnifères mieux tolérés par l'organisme, un immense marché pour les prochaines années.