Environnement - Juin 1992

A Rio, au sommet de la Planète, la célèbre expression de Mme Brundtland, premier ministre de Norvège est sur toutes les lèvres: développement durable.

Une expression mal traduite de l'anglais "sustainable developpement" ou développement autosuffisant. Cette phrase célèbre qui anime et enflamme les esprits, cherche à promouvoir l'idée d'une croissance économique raisonnée, ne mettant pas en danger la capacité des écosystèmes et de la vie sur terre à se maintenir et à se développer. Mais elle présente à mes yeux un risque d'opposition systématique entre protection de l'environnement et développement économique, tous deux apparaissant inconciliables. Déjà des économistes se demandent quel taux de croissance global des pays développés ou quelle fraction de leur PNB sera nécessaire pour payer la protection de l'environnement. Un raisonnement pervers, car en accroisant le régime de la machine économique on accroit aussi les flux d'utilisation des ressources naturelles et de rejets des déchets. Ce qui amplifie les problèmes que l'on cherche à combattre. Plus dangereux encore et discutées à Rio les propositions d'internalisation des coûts de l'environnement par l'économie. On met un prix à tout : à un dauphin, un mètre cube d'air, une forêt, un papillon, une neige ou une plage vierge. On chiffre même le prix des "services rendus" par la nature. Ce qui conduit des industriels à proposer d'exporter leurs déchets aux endroits où les services natures sont encore performants, plutôt que de les traiter à un coût élevé dans les pays développés ! On atteint les limites de la logique économique. Il faut des gardes-fous. Comme en biologie ou les comités d'éthique ont décrété que le corps n'était pas vendable en pièces détachées, il faudrait qu'une nouvelle éthique de l'environnement, une éco-éthique évite qu'au nom du développement durable on ne transforme trop allègrement les valeurs d'usage en valeurs d'échange.