Ancien étudiant en Histoire, j'ai pu constater que cette discipline poste souvent le chercheur dans une situation difficile lorsqu'il s'agit de s'intéresser aux sociétés passées. Les documents historiques dont nous disposons sont presque exclusivement officiels ou littéraires : épitaphes, textes philosophiques grecs et romains, actes royaux, quelques journaux depuis l'invention de l'imprimerie, etc. Rien qui permette de reconstituer fidèlement les pensées du peuple, que les historiens appellent d'ailleurs la masse silencieuse. En d'autres termes, nous avons le plus souvent très peu d'indices sur l'opinion publique dans le passé, particulièrement avant le 19e siècle.
Le développement d'Internet ouvre des perspectives qui peuvent paraître infinies. Les blogs, comme les journaux citoyens sont, par définition, les lieux privilégiés d'expression de l'opinion publique, sortes de croisements de témoignages et de réflexions qui, comme naguère sur l'agora, construisent l'opinion publique. Les historiens qui, dans des siècles ou des millénaires, utiliseront cette masse de documents et, donc, de témoignages, pourront reconstituer le 21e siècle avec une précision dont on rêve aujourd'hui. Encore faudrait-il que l'archivage d'Internet devienne systématique, et ne fasse pas seulement l'objet de quelques initiatives éparses, sans quoi le visage de notre Internet sera définitivement perdu avant la fin de cette décennie.
Par Guerric Poncet